L’entreprise libérée : sa définition, son fonctionnement, ses avantages et ses limites

22 octobre 2024

Popularisée au début des années 2010 par l’auteur et conférencier Isaac Getz et par l’éditorialiste Brian M. Carney, « l’entreprise libérée » fait le pari de placer toutes les parties prenantes d’une organisation sur un même pied d’égalité. Un concept qui fait sens de nos jours car il réunit les ingrédients nécessaires pour combler, au moins en partie, les nouvelles aspirations des salariés. D’une part parce qu’il répond aux besoins d’engagement, d’autonomie et de responsabilisation de plus en plus exprimés par les collaborateurs, mais également parce que cette forme d’entreprise entre en résonnance avec l’inévitable question du sens au travail.

Comme son nom l’indique, « l’entreprise libérée » repose sur la notion de liberté. Plus précisément, il s’agit de gommer tout ou partie des habituelles strates hiérarchiques d’une organisation pour libérer le potentiel et la prise d’initiative des collaborateurs afin de booster les performances d’une entreprise. Une entreprise est ainsi dite libérée « lorsque la majorité des salariés disposent de la liberté et de l’entière responsabilité d’entreprendre toute action qu’eux-mêmes estiment comme étant la meilleure pour la vision de l’entreprise », écrit Isaac Getz dans son ouvrage « Liberté et Cie ». Au cœur du sujet se trouve une idée simple : toutes les ressources humaines sont importantes et susceptibles de participer à la création de richesses dans l’entreprise. Il s’agit donc de remettre l’homme au cœur de l’activité et d’ouvrir le champ d’initiatives des salariés. Une démarche qui ne fonctionne, selon Isaac Getz, que dans la mesure où ils se considèrent « intrinsèquement égaux, sans hiérarchie, ni titres, ni privilèges et qu’on les laisse se motiver eux-mêmes. »

Dans une entreprise libérée, les décisions sont prises par l’ensemble des collaborateurs (salariés et dirigeants) et celles-ci sont légitimées par le fait qu’ils sont ancrés dans la réalité du terrain. Qui mieux en effet que ceux qui œuvrent au quotidien au bon fonctionnement d’une entreprise pour prendre les meilleures décisions ?

Autonomie ne signifie pas anarchie

Jugé utopiste par certains, innovant par d’autres, ce modèle trouve aujourd’hui un écho particulier dans un monde du travail en pleine reconstruction à la suite des années Covid. Suscitant intérêt et interrogations, le concept se déploie progressivement au sein des entreprises. Et contrairement aux idées reçues, ce changement s’accompagne de règles définies collectivement pour encadrer le fonctionnement de la structure et garantir l’espace de liberté de chacun. Plusieurs critères fondamentaux sont ainsi mis en place : la transparence, la confiance, l’autonomie et la redistribution des richesses. La latitude offerte par ce nouveau modèle permet en effet au salarié de se réapproprier son travail, d’évaluer ce qu’il considère être un « travail bien fait » et de trouver lui-même les solutions à d’éventuels dysfonctionnements dans sa mise en œuvre.

La notion d’entreprise libérée se soucie donc de la qualité de vie et des conditions de travail des salariés tout en stimulant leur engagement et leur investissement dans la vie de l’organisation. De fil en aiguille, le schéma de l’entreprise libérée est aussi une manière de faire émerger et d’accomplir la raison d’être profonde de l’entreprise, ou encore sa contribution sociétale.

Agilité et innovation

L’organisation d’une entreprise libérée présente l’avantage d’être plus agile qu’une entreprise classique car la structure n’est pas figée dans une hiérarchie prédéfinie. Elle peut donc se réinventer plus facilement et plus rapidement en fonction de l’évolution de son marché. L’entreprise libérée est également plus innovante car elle laisse les talents exprimer leur créativité, être force de proposition et participer à l’intelligence collective de l’entreprise.

Cette plus grande implication des collaborateurs dans leur travail stimule leur motivation, redonne du sens à leur mission et accroit leurs performances. L’objectif est de rendre aux salariés la responsabilité du résultat de leur travail en leur donnant la capacité de s’organiser librement. On parle d’« entreprise pourquoi » car, ce qui compte, c’est l’objectif et non la façon d’y arriver. Finalement, on constate une meilleure performance globale de l’entreprise avec des résultats financiers en hausse et des objectifs régulièrement atteints.

Redonner du sens

Le but de l’entreprise libérée est également de permettre aux salariés de retrouver du sens dans leurs différentes missions. La quête de sens au travail répond en effet à des besoins psychologiques humains primordiaux qui favorisent le développement personnel. Si l’entreprise crée un environnement propice pour répondre à ces besoins, alors le salarié pourra évoluer professionnellement. Chaque individu pourra ainsi développer ses compétences, s’engager dans la vie de l’entreprise, être innovant, agile et opérationnel.

Cela rejoint la notion d’empowerment, qui donne aux collaborateurs le pouvoir de décider et d’agir de manière indépendante sans l’aval systématique de leur hiérarchie grâce à davantage d’autorité et de ressources.

Les principaux ingrédients

Les grands principes de l’entreprise libérée, qui sous-tendent ses conditions de réussite, peuvent se résumer ainsi : la capacité d’écoute des dirigeants ; la liberté des salariés ; des valeurs communes et une adhésion de tous à la culture de l’entreprise ; la disparition de la hiérarchie pyramidale, du contrôle, des symboles de privilèges et des horaires imposés ; le principe de subsidiarité (les salariés sont légitimes à prendre des décisions sur ce qui les concernent) ; des salariés soucieux du client, de leur entreprise et solidaires de leurs collègues.

Tous les récits de « libération » d’entreprise mettent également au premier plan la volonté de remise en cause personnelle d’un dirigeant, toujours identifiée comme l’impulsion décisive pour la transformation de l’organisation. La première phase consiste, pour le dirigeant « libérateur », à faire émerger puis à partager avec tous les salariés, une vision de l’entreprise et des valeurs communes. Dans un second temps, son rôle se résume à « rappeler la vision », s’assurer qu’elle est partagée par tous, facteur indispensable qui donne aux collaborateurs un sens à leur travail, et créer ainsi leur engagement naturel.

Les limites de l’entreprise libérée

Si l’entreprise libérée ouvre de nouvelles perspectives, elle ne se construit cependant pas en un jour et un temps long de réflexion est conseillé avant de se lancer dans une telle aventure. Il s’agit en effet d’un véritable changement de paradigme qui transforme en- profondeur les habitudes, les modes de travail et les relations professionnelles. Ce bouleversement ne convient pas à tout le monde, certains collaborateurs ne trouvant pas leur place au sein de cette nouvelle organisation. Cette approche peut également s’avérer difficile à mettre en œuvre dans une structure dont le modèle traditionnel pyramidal est fortement ancré dans la culture d’entreprise.

Enfin, il faut bien garder en tête que la bonne mise en place d’un système libéré au sein d’une entreprise nécessite un changement de mentalité de tous les membres de l’entité, c’est-à-dire du dirigeant et de tous les salariés. La transformation réussie d’une entreprise classique en une entreprise libérée semble dépendre de deux facteurs : d’une part, la réaction face à une crise qui menace la survie de l’entreprise et, d’autre part, la conviction du dirigeant.

Pour aller plus loin :

« The servant leader » de Ken Blanchard, ed. Thomas Nelson, 2003

« Liberté & Cie : quand la liberté des salariés fait le succès des entreprises » de Isaac Getz et Brian M.Carney, ed. Flammarion, 2013

« L’entreprise libérée » de Isaac Getz, ed. Fayard, 2017

« Reinventing organizations : vers des communautés de travail inspirées » de Frédéric

Laloux, ed. Diateino, 2014

En savoir plus

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